
W.E.B. Du Bois (1868-1963) est l’un des intellectuels afro-américains les plus importants de l’histoire.
Par Sandro CAPO CHICHI / Nofipédia
William Edward Burghardt Du Bois naît le 23 février 1868 à Great Barrington, Massachussets. Il est le fils de Marie Silvina (née Burghardt) et d’Alfred Du Bois. Ce dernier a rapidement quitté son fils et son épouse. Il grandit à Great Barrington au sein d’une population principalement blanche et relativement tolérante envers son statut de mulâtre, terme utilisé à l’époque pour désigner les Américains aux origines très visiblement européennes et africaines. Devant ses brillantes études au lycée et ses capacités intellectuelles remarquées, il intègre l’Université noire de Fisk à Nashville dans le Tennessee grâce à des fonds levés par l’église de Barrington. Il y reste trois ans, découvrant le racisme du sud, n’ayant été contraint d’abolir l’esclavage que vingt ans auparavant. Il y obtient toutefois son premier diplôme, l’équivalent d’une licence avant de revenir dans le Massachussets et étudier dans la prestigieuse université d’Harvard. Après une autre licence emportée avec les honneurs, il poursuit ses études à Berlin en Allemagne où il est moins confronté à la ségrégation en vigueur aux Etats-Unis. Après des études en sociologie et en philosophie, il devient après son retour le premier Afro-Américain à obtenir un doctorat de l’Université d’Harvard pour une thèse en histoire sur ‘La suppression de la traite des esclaves africains aux Etats-Unis’ publiée en 1896.
Entre temps, il avait commencé à enseigner dès 1894 à l’Université de Wilberforce, un établissement traditionnellement noir dans l’Etat de l’Ohio. Il y enseigne jusqu’à 1896. Cette année aussi il épouse Nina Gomer, l’une de ses élèves, puis accepte un poste de chercheur à l’Université de Pennsylvanie à Philadelphie où il produit une étude sociologique sur les Noirs de la ville intitulée ‘The Philadelphia Negro’, la première sur une communauté noire dans le pays. L’année suivante, il rejoint le personnel de l’Université d’Atlanta en Géorgie. C’est là-bas que Du Bois gagnera sa stature d’intellectuel afro-américain proéminent. En 1899, deux événements, la mort de son bébé Burghardt et le lynchage d’un homme noir, Sam Hose près d’Atlanta l’amèneront à se remettre en question intellectuellement. Il utilisera désormais sa connaissance et son statut académique pour améliorer la situation des Noirs.
En 1900, à Londres, il participa au premier congrès pan-africain avec des intellectuels noirs comme l’Haïtien Anténor Firmin. En 1903, il écrit The Souls of Black Folks, son ouvrage le plus important. Il s’y oppose notamment idéologiquement à la posture idéologique de Booker T. Washington de l’Université de Tuskegee selon qui les Noirs devaient s’accommoder pour le moment à la discrimination dans la société blanche américaine et de se focaliser sur la solidarité et de le réussite au sein de la communauté, celle-ci permettrait au fur et à mesure de faire disparaître la discrimination blanche.Du Bois y développe différents concepts, comme la double identité conflictuelle des Afro-Américains, à la fois Noirs et Américains, le Talented Tenth, cette idée qu’ un groupe minoritaire d’intellectuels afro-américains (en l’occurrence ‘métisses’) devrait tirer le reste de leur communauté vers le haut. Entre 1906, Du Bois crée avec d’autres intellectuels Noirs le Mouvement du Niagara, qui prônait l’obtention de l’égalité entre races dans la société américaine par le biais d’une certaine agressivité dans les revendications. C’est aussi cette année qu’eurent lieu les émeutes raciales d’Atlanta où en septembre, 25 Noirs furent tués après qu’un journal ait rapporté le viol de quatre femmes blanches par des hommes noirs. Du Bois allait inviter les Afro-Américains à ne pas voter pour le parti républicain auxquels ils étaient liés de manière historique, parce qu’il jugeait que le Président Roosevelt n’avait pas suffisamment soutenu les Noirs. Aujourd’hui, les Afro-Américains sont beaucoup plus associés au vote démocrate.
Le mouvement du Niagara allait conduire à la création du NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) en 1909. Du Bois allait diriger la revue de l’association nommée ‘The Crisis’ et quitter son poste à l’Université d’Atlanta. Les écrits de Du Bois dans cette tribune destinées à son ‘Talented Tenth’ allaient notamment dénoncer les injustices contre les Noirs. Ils allaient aussi favoriser l’émergence de la Harlem Renaissance. En 1920, il allait être la figure majeure de l’organisation du congrès panafricain. Dès le début de sa carrière, il avait en effet posé le problème de la color line, de la ligne de la couleur comme le principal trait de division de la société, en Amérique, mais aussi en Afrique. A cause de son évolution vers le socialisme, il va s’isoler au sein du NAACP et la crise des années 20 va entraîner son départ de la revue et son retour à l’Université d’Atlanta en 1934. Cette année Il allait écrire Black Reconstruction, une critique du racisme de la société américaine d’alors. En 1940, il allait écrire Dusk of Dawn, une autobiographie de lui-même et de sa famille dans le contexte racial d’alors. A cause de ses tendances communistes de plus en plus affirmées, il allait être renvoyé en 1948 du NAACP. Il allait ensuite rejoindre le CAA (conseil des affaires africaines), une organisation communiste et panafricaine, notamment engagée pour l’indépendance en Afrique et la lutte contre l’apartheid. En 1950, à la mort de sa femme Nina, il allait se remarier avec Shirley Graham. Après des voyages dans le monde communiste, il rejoignait le Parti Communiste en 1961. En 1963, il décide de renoncer à sa citoyenneté américaine et de s’installer au Ghana de Kwame Nkrumah. Il y mourra la même année, concluant l’une des plus belles oeuvres intellectuelles du monde noir sur le continent africain, celui-même qui constituait, avec sa terre de naissance l’Amérique les deux matrices de la double identité des Afro-Américains.
Source: http://nofi.fr/nofipedia/w-e-b-du-bois