Par Marie-France Cros
Dans un communiqué publié jeudi 24 août, la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) a annoncé l’élection, ce samedi 26 août, des gouverneur et vice-gouverneur des provinces du Haut-Katanga, du Haut-Lomami, du Kwilu, du Sud-Kivu, du Sud-Ubangi, de la Tshopo et de la Tshuapa, et celle, seule, du vice-gouverneur dans le Bas-Uélé. Une annonce vue par la presse de Kinshasa comme une déclaration de guerre contre la Cour constitutionnelle. Pour une partie de l’opinion kinoise, l’épisode ressemble à un affrontement au sein de la majorité présidentielle.
Conséquence du démembrement bâclé de 2015
Cette nouvelle péripétie politique semble être une conséquence du démembrement bâclé de 2015. Il s’agissait alors de priver Moïse Katumbi – qui venait de quitter la Majorité présidentielle (MP) au profit de l’opposition, parce qu’il rejetait la prolongation au pouvoir du président Kabila que préparait ce dernier – de son siège de gouverneur de la puissante province du Katanga, ainsi que Gabriel Kyungu, lui aussi dissident de la MP, de son poste de président de l’assemblée provinciale katangaise. Bien que prévu par la Constitution de 2006, ce démembrement avait été, jusque-là, reporté aux calendes grecques par le gouvernement Kabila et rien n’avait été fait pour le préparer: pas de budget prévu, pas de salaires pour les fonctionnaires des nouvelles entités, pas de locaux pour les nouvelles assemblées de province (qui passaient à 26 au lieu de 11, dont 5 seulement restaient inchangées), pas d’élections provinciales dans les délais légaux, vides juridiques, désorganisation de la perception des taxes et impôts…
Le 8 septembre 2015, la Cour constitutionnelle ordonnait au gouvernement de prendre des « mesures exceptionnelles » pour assurer la gestion des nouvelles provinces, sans les préciser. Le gouvernement Kabila avait alors – bien qu’il n’en eut pas le pouvoir – suspendu les session parlementaires des 21 nouvelles provinces et nommé des « commissaires spéciaux » (issus de la MP) pour les gérer, en dépit de la Constitution qui prévoit que les provinces soient « gérées par les organes locaux » et dotées de « l’autonomie administrative et financière ».
Les anciens commissaires spéciaux élus
En mars 2016, les assemblées provinciales avaient pu élire leurs gouverneur et vice-gouverneur, mais selon une procédure récusée par l’opposition (de nombreux candidats de la MP étaient les ex-commissaires spéciaux): 21 membres de la MP et 5 indépendants. Mais, rapidement, l’impréparation avait montré ses effets et, dès octobre 2016, un premier gouverneur – celui de la Tshuapa (dans l’ex-Equateur) – avait été destitué par son assemblée. Il sera suivi par une série d’autres en 2017, toujours pour les mêmes motifs: incompétence, mauvaise gestion, autoritarisme. Car nombre des ex-commissaires spéciaux se comportent comme s’ils n’avaient – toujours – de comptes à rendre qu’au président Kabila, oubliant qu’ils sont désormais responsables devant leurs assemblées.
La Cour constitutionnelle a, presque systématiquement, annulé les destitutions, en raison d’ « irrégularités ». Certains gouverneurs ainsi « réhabilités », selon le mot de la presse kinoise, se sont donc opposés à l’élection de leur successeur, au contraire de ceux qui avaient préféré démissionner. La Ceni n’a pas réagi de la même manière pour tous les « réhabilités », ce qui sème la confusion et fait parler de « bras de fer » entre l’organe électoral et la Cour constitutionnelle, pourtant tous deux considérés comme acquis à la MP.
La Ceni avait ainsi annulé l’élection dans la Mongala et l’Equateur (deux nouvelles provinces issues du démembrement de l’ex-Equateur) en raison de la réhabilitation de leurs chefs par la Cour Constitutionnelle; mais refusé de le faire pour le Haut-Katanga, dont le gouverneur avait, lui aussi, été « réhabilité », dès le 26 mai dernier.
Manœuvres mal contrôlées ou incompétence?
Alors que la Ceni explique avoir choisi cette option parce qu’elle attend encore une réponse de la Cour constitutionnelle à un mémoire que l’organe électoral lui a adressé, indiquait vendredi RFI, on ne s’explique pas, dans ce cas, pourquoi plusieurs gouverneurs et vice-gouverneurs « réhabilités » ont été empêchés par les autorités de Kinshasa de rejoindre leurs provinces respectives au cours des derniers mois. Et d’aucuns d’évoquer des « manœuvres » au sein de la MP, qui auraient échappé au contrôle de leurs concepteurs.
source : https://afrique.lalibre.be/7756/rdc-elections-partielles-de-gouverneurs-la-grande-pagaille/